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"La maison de la rue en pente" : Un thriller poignant qui dévoile la réalité de la société patriarcale japonaise


 

Dans ce thriller captivant, le réalisateur japonais Yukihiro Morigaki nous plonge au cœur des tensions et des pressions exercées sur les femmes dans une société profondément patriarcale. La série, diffusée sur Arte, est portée par la brillante interprétation de Kô Shibasaki, qui incarne une jeune mère de famille confrontée à des dilemmes moraux et personnels qui busculent sa vie.

 

L'histoire suit Yamasaki Risako, une femme ordinaire vivant avec son mari et leur fille de 3 ans, Ayaka. Sa vie bascule le jour où elle est convoquée comme candidate jurée dans une affaire pénale particulièrement choquante. Le défendeur, Ando Mizuho, est une mère au foyer du même âge que Risako, accusée d'avoir causé la mort de sa fille de 8 mois en la laissant tomber dans une baignoire. Sélectionnée comme jurée suppléante, Risako est peu à peu troublée par les similitudes entre sa propre vie et celle de l'accusée. Cette confrontation intime avec la réalité de l'accusée l'amène à remettre en question sa vision de la maternité et les sacrifices qu'elle implique.

À travers cette série, Arte aborde sans détour des sujets souvent tabous au Japon : la pression exercée sur les femmes pour être des mères parfaites, les difficultés cachées du quotidien, et les conséquences tragiques que cette pression peut parfois entraîner. "La maison de la rue en pente" dépeint une réalité dure mais nécessaire à confronter, suscitant des débats sur la condition des femmes au Japon et au-delà.

 

Cette série offre une perspective unique sur la vie quotidienne des femmes japonaises, souvent marquée par une solitude profonde et des attentes écrasantes.

Durant six épisodes, nous découvrons des personnages stéréotypés représentant une famille typique japonaise. Le mari, très peu présent, ne joue qu'un rôle minime, se contentant d'endormir sa fille ou de critiquer les méthodes d'éducation de sa femme sans pour autant y participer activement. La mère, mariée très jeune, vit dans des conditions précaires. Au Japon, les femmes gagnent en moyenne 30 % de moins que les hommes, et ce, si elles parviennent à trouver un emploi. Les grands-parents, censés être des modèles, imposent leur vision de la vie et font peser les responsabilités sur les épaules de la mère, tout en épargnant le mari sous prétexte qu'il travaille, ce qui est déjà considéré comme suffisant.

La série propose une galerie de personnages secondaires, dont les points de vue sont néanmoins très intéressants. On y observe la divergence des avis entre hommes et femmes concernant le procès, tous semblant accuser la mère d'être une mauvaise mère, la rendant entièrement responsable de la situation. Aucun ne prend en compte les dépressions sociales ou les conditions familiales, se concentrant uniquement sur les supposées négligences de la mère. On remarque aussi que le père n'est jamais remis en question, car, dans une société encore très patriarcale, l'homme est intouchable et, en cas de problème, c'est forcément la faute de la femme.


Dans les différents couples hétérosexuels représentés, on observe une forme de manipulation exercée par le mari sur sa femme, connue sous le nom de "mansplaining". Cette méthode de manipulation, de plus en plus évoquée, consiste pour un homme à imposer son opinion sur n'importe quel sujet, même dans le domaine de compétence de la femme, que ce soit le sport, la cuisine ou son travail. L'homme, même sans expertise, prétend toujours en savoir plus qu'elle.

Cette technique de manipulation est présente tout au long de la série, où l'on voit le mari rentrer du travail, s'asseoir à table, attendre que son dîner soit servi, puis aller se coucher, répétant ce schéma quotidien tout en se permettant de critiquer les passe-temps de sa femme, ses lectures, ses boissons, et même sa manière d'élever leur fille, bien qu'il ne participe jamais à son éducation.

 

Dans le couple de Risako, on voit son mari devenir de plus en plus dur avec elle, surtout depuis qu'elle a été sélectionnée comme jurée. Son comportement révèle un complexe d'infériorité qui le pousse à la rabaisser. Il lui répète qu'elle n'est pas faite pour ce rôle, que c'est une mission trop importante pour elle, qu'elle n'en est pas capable, ni intellectuellement ni psychologiquement. Ce doute s'avère en partie réel, mais uniquement parce que Risako compare sa vie à celle de l'accusée et se rend compte qu'elles ne sont pas si différentes. Cette prise de conscience la bouleverse, car elle réalise que son mari n'est pas si exceptionnel, si ce n'est sur le plan financier. Elle commence à se remettre en question, particulièrement en ce qui concerne l'éducation de sa fille, qui est compliquée et pour laquelle elle n'a aucun soutien, ni même une écoute attentive, alors que cette pression sociale sur les femmes est un problème bien connu de tous.


Le titre de la série contient une métaphore explicite du thème central abordé. La maison représente, pour chacun, un refuge solide, un lieu sûr où l'on peut être soi-même, à l'abri des regards. Elle symbolise également une barrière contre l'extérieur, la société violente, les faux-semblants et la pression constante. Le fait que cette maison soit située en pente suggère que, malgré les apparences d'une vie sans souci, elle est en réalité perchée sur un talus, nécessitant des efforts physiques et mentaux pour y rester.


La maison reflète ainsi l'image de la protagoniste principale : extérieurement parfaite, mais intérieurement en proie à une descente constante aux enfers.

 

Un contexte alarmant : L'augmentation des suicides chez les femmes au Japon

 

La série de Morigaki prend une résonance particulière en regard des statistiques récentes sur les suicides au Japon. Depuis la pandémie de 2019-2020, le pays a vu une recrudescence alarmante des suicides, notamment parmi les femmes. En septembre 2020, le nombre total de suicides a augmenté de 8 % par rapport à l'année précédente, avec un bond particulièrement inquiétant de 45 % chez les femmes et de 55 % chez les jeunes de moins de 30 ans. Ce retournement de situation, après plus de quinze ans de baisse continue, inquiète les autorités sanitaires et met en lumière la précarité croissante des femmes au Japon.

 

La condition féminine au Japon : Une stagnation inquiétante

 

Avec l’initiative "Womenomics" l’ancien Premier ministre Shinzo Abe avait l’espoir de  promouvoir l'égalité des sexes et améliorer la condition des femmes au Japon mais les résultats n’ont pas été concluant. Selon plusieurs études sur le plan professionnel beaucoup d'entre elles enchaînent des emplois précaires et mal rémunérés, et sont souvent les premières à être licenciées en période de crise économique. Il est vrai que la majorité ayant fait de longues études dès le mariage ou leur premier enfant cesse toute activité pour se consacrer entièrement au foyer.

 

La pandémie a encore aggravé cette précarité, isolant de nombreuses femmes et intensifiant les tensions familiales et professionnelles. Comme l’explique Chiaki Kawanishi, experte en santé mentale, "les femmes occupent une position fragile au Japon, tant dans la sphère familiale que professionnelle," ce qui contribue à l'augmentation des suicides.

 

Un avenir incertain pour les jeunes générations

 

Depuis 2023, les pressions sociales, scolaires et familiales ont provoqué une augmentation des suicides chez les jeunes Japonais, en particulier ceux âgés de 15 à 30 ans. Bien que certaines avancées aient été réalisées dans d'autres pays en matière de droits des femmes, le Japon semble progresser lentement. La série "La maison de la rue en pente" incite à réfléchir sur ces enjeux et sur la nécessité d'un changement profond pour améliorer la condition féminine au Japon.

 

Ce thriller ne se contente pas de raconter une histoire; il pose une question cruciale : que faut-il pour que les femmes japonaises puissent enfin se libérer des chaînes de la tradition et vivre pleinement leur vie, sans être écrasées par les attentes d'une société encore largement dominée par les hommes ?


Retrouvez dans les sources le lien de cette série d'une réalité saisissante disponible jusqu'au 30/11/2024 sur Arte.tv et que nous nous invitons fortement à visionner.


 

Article par S. Huracan'calls


Sources :

Malovic. D (2018, août 5). Au Japon, l’homme travaille et la femme s’occupe des enfants. Document en ligne : https://www.la-croix.com/Monde/Au-Japon-lhomme-travaille-femme-soccupe-enfants-2018-08-05-1200959962



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